Interview croisée : chef, à la maison comme en entreprise !
La première est la tête d’une activité de transformation et d’exportation de crevettes à Zinguichor au Sénégal et est soutenue par notre programme Fansoto. La seconde avait déjà goûté à l’entrepreneuriat avant d’accompagner à Paris l’aventure Sarenza pendant de nombreuses années, puis de lancer son activité de conseil aux entreprises. Honorine Badji et Hélène Boulet-Supau partagent leurs visions de femmes et de mères entrepreneures.
Présentations
Honorine Badji, entrepreneure accompagnée par notre programme de microfinance sociale Fansoto au Sénégal :
J’ai créé mon entreprise il y a 15 ans avec une petite somme de départ en commençant petit avant de pouvoir exporter. J’achète des crevettes que je transforme et revends, ce qui est une activité difficile, notamment pour assurer la bonne conservation des crevettes. Je suis installée à Ziguinchor en Casamance. Avant j’ai travaillé pendant près de 17 ans dans l’hôtellerie à Dakar avant de revenir dans ma région natale pour lancer ma propre activité.
Hélène Boulet-Supeau, donatrice et administratrice d’Entrepreneurs du Monde :
J’ai été salariée pendant 12 ans dans deux entreprises différentes. J’ai notamment été directrice financière du groupe Pierre et Vacances avant de décider de me lancer dans l’entreprenariat. C’était il y a un peu plus de 20 ans. J’ai été d’abord consultante et je me suis associée à une styliste pour développer une marque de prêt-à-porter. Nous avons ouvert deux boutiques dans Paris et faisions de la vente à domicile mais cela ne marchait pas assez bien pour me rémunérer. J’ai alors recherché un travail salarié et un ami m’a proposé de m’associer avec lui pour développer Sarenza fin 2006. Ce n’était pas évident car personne n’y croyait alors, mais nous avons repris la direction et avons développé l’activité pendant 12 ans. Quand Sarenza a été racheté par Monoprix j’ai décidé de lancer de nouveaux projets d’entreprises.
L’entrepreneuriat, pourquoi?
Honorine : J’ai créé mon business pour être indépendante, je ne voulais pas dépendre de quelqu’un. Je n’avais aucune envie que quelqu’un d’autre gère mes affaires pour moi, je voulais être libre d’aller où je voulais, de vendre où je le souhaitais. Ce n’est pas facile d’y arriver, entreprendre est très dur au Sénégal mais à force de courage et de volonté d’aller de l’avant, on y parvient. C’est compliqué mais on s’en sort.
Hélène : Cela répondait à un besoin de liberté, à la volonté de construire quelque chose avec mes propres règles du jeu et valeurs. En France il est plus difficile d’être entrepreneur que salarié, il n’y a pas de salaire tous les mois ni de protection sociale forte. Cela fait 18 mois que je redémarre à zéro à plus de 50 ans. Ce n’est pas simple mais la liberté pour moi est essentielle et je vais continuer à la cultiver. Comment cela se passe-t-il au Sénégal ?
Honorine : Il est aussi plus facile d’être salarié au Sénégal. Mais, même si tu sais que tu vas toucher ta paie tous les mois, tu sais aussi que cette paie sera toujours la même. Alors que quand tu es entrepreneur il y a des mois où tu vas gagner moins oui, mais aussi des mois où tu vas gagner plus et c’est pour moi le grand avantage de l’entrepreneuriat. Quel est le plus dur pour toi Hélène ?
Hélène : Le plus difficile est que je commence un nouveau métier et que j’ai du mal à trouver des clients. Mon entreprise, FabWorkplace, propose des responsables de services généraux en temps partagé aux PME. Aller chercher ces clients nécessite de se faire connaître et le commercial comme la communication B to B ne sont pas mes compétences, je dois les acquérir.
Être une femme, qu’est-ce que ça change ?
Hélène : Le fait d’être une femme ne change pas grand-chose en France sur le marché du travail. Ce qui change est le poids de l’éducation que l’on a reçue avec un certain nombre de limitations bien apprises, bien ancrées et qu’il est difficile d’outrepasser dans un certain nombre de situations.
Honorine : Être une femme ne rend pas les choses plus difficiles. Une femme doit travailler comme l’homme. Femme et homme, nous sommes les mêmes. Ce qui est difficile ici, c’est qu’il faut avoir les moyens. Même si tu commences seule, tu as besoin de quelqu’un qui t’accompagne. Tu ne peux pas rester seule jusqu’au bout, tu as besoin que l’activité se développe plus que ça.
Hélène : Je ne sais pas comment ça se passe au Sénégal mais en France c’est la femme qui s’occupe majoritairement des enfants. Ce que j’ai trouvé dur en étant femme entrepreneur avec 4 enfants, c’est qu’on ne se repose jamais sur personne. On doit décider de tout, on est chef tout le temps. On est chef de famille à la maison et chef d’entreprise quand on travaille et c’est usant dans un schéma traditionnel où l’homme laisse gérer la maison à la femme.
Honorine : C’est la même chose au Sénégal, ce sont les femmes qui s’occupent de tout, préparer la nourriture, les enfants pour aller à l’école. En plus de faire toutes ces choses, il faut gérer l’entreprise, du matin jusqu’au soir ! Les femmes gèrent tout.