Tout Lyon Affiches – Franck Renaudin, micro-financier social
Stéphanie Borg, le 28 mars 2015
Source : Tout Lyon Affiches
Au tournant d’une histoire riche en succès et en difficultés, le fondateur et directeur de l’ONG Entrepreneurs du Monde reste l’homme révolté et engagé des débuts. Et compte sur son arrivée à Lyon pour poursuivre sa dynamique humanitaire.
Tout juste diplomé de l’Edhec Lille, Franck Renaudin s’envole, avec trois camarades de promotion, pour Calcutta, en Inde. Il vient de dévorer le roman La cité de la joie de Dominique Lapierre. Et veut rencontrer Mère Teresa. « Avec les copains, on avait prévu un road trip aux Etats-Unis mais je les ai convaincus de changer de destination. Nous avons réussi à la croiser. Nous n’avons échangé que des regards et des sourires sur le pas d’une porte. Mais c’était très intense ». Cet instant a-t-il fondé son engagement humanitaire ? « Pas seulement. Issu d’une famille chrétienne engagée, j’ai toujours vécu dans une maison très ouverte aux autres, où l’on accueillait souvent plus démunis que nous. Mes parents m’ont ouvert la voie », avoue-t-il.
Attiré par les questions éthiques et de justice sociale, ne sachant comment les traduire dans un métier, le jeune homme choisit l’école de commerce « pour se fermer le moins de portes possibles ». Après son voyage initiatique, Franck Renaudin s’engage néanmoins dans une voie classique pour un jeune issu d’une grande école. Il part, pendant un an, aux Etats-Unis travailler pour une grande banque française puis intègre le groupe Pechiney. « J’ai tenu quatre ans. Autant j’aimais l’usine et la production, autant je détestais les inégalités de salaire et de traitements entre nous ».
Sa rencontre avec l’ONG Inter Aide le pousse à faire le grand saut. Il part en famille pour Haïti pendant 4 ans pour y développer un programme d’aide rurale, puis s’envole, toujours avec femme et enfants – il en a déjà 4 à ce moment là, les 2 derniers viendront plus tard – pour Manille, où il devient responsable d’un programme de prêts productifs. « Ce travail avec les mères de famille fut une véritable révélation : je pouvais renouer avec l’entrepreneuriat mais à des fins sociales », souligne Franck Renaudin qui quittera l’association, trois ans plus tard, pour se consacrer uniquement à ce projet.
Le retour en France est rude. « Ce fut un vrai choc. J’ai été frappé parce qu’on n’y crée plus sans se prémunir de tous les risques. Cela coupe tout esprit d’initiative alors qu’ailleurs on ose entreprendre avec très peu, obligeant à repenser nos façons de fonctionner ». C’est sur ce concept qu’il fonde l’ONG Entrepreneurs du Monde : soutenir les plus pauvres dans leurs projets d’entrepreneurs, avec parfois de toutes petites sommes au démarrage, sur le principe de la microfinance sociale. « J’ai installé le siège en France par facilité. J’aurais aimé le faire dans un pays en voie de développement. »
Depuis, l’association a grandi. Elle porte aujourd’hui une vingtaine de programmes en microcrédit, mais aussi d’accès à l’énergie pour limiter leurs impacts financiers et écologiques sur les familles. Le dirigeant partage son temps entre Paris et Lyon, là où l’association vient de transférer son siège social depuis Poitiers. « Nous sommes tous très enthousiastes à l’idée d’être définitivement reliés à la Région Rhône-Alpes : c’est très dynamisant » souligne cet humanitaire qui se rend régulièrement sur le terrain, du Togo à la Birmanie en passant par Haïti. « Aller sur le terrain reste capital : quand les difficultés s’accumulent le sourire des femmes et la confiance des familles valent tous les engagements », reconnaît-il avec émotion.
Pour lui, « faire crédit, c’est croire en l’autre ». Et il ne cesse d’y croire, conscient, néanmoins, qu’il reste encore beaucoup à faire. Qu’importe les années, la révolte est toujours là prête à gronder, pour sensibiliser les plus jeunes, interroger les regards et questionner.