Le Monde – Au Togo, la microfinance pour tous
Par Frédéric Cazenave, le 4 novembre 2014
Source : Le Monde
La microfinance, tout le monde connaît. Mais en ajoutant une touche sociale et solidaire, cette forme de financement prend un autre sens. « La microfinance est utile, mais c’est une activité trop souvent commerciale qui n’est pas accessible à tous. Notre approche est radicalement différente, car nous ne demandons pas de garanties aux emprunteurs, nous les accompagnons et nous acceptons de prêter des petites sommes », explique Franck Renaudin, directeur d’Entrepreneurs du monde, qui aide les organisations de 12 pays à se développer et se structurer, jusqu’à ce qu’elles puissent prendre leur indépendance.
Au Togo, Assilassimé Solidarité – « main dans la main » en éwé, une langue locale – fait partie de ce programme. « Certaines populations, trop fragiles, isolées ou malades sont exclues du circuit de la microfinance. Mères célibataires, veuves, prostituées, malades du VIH, personnes en situation de handicap… C’est à elles que nous nous adressons », explique Ladi Tchagbatao, chargée de la création et de la gestion de cette institution de microfinance sociale située à Lomé. « Il y a bien quelques subventions au Togo, mais ce n’est pas une solution, car cela ne permet pas à ces femmes de devenir autonomes et donc de s’en sortir », poursuit-elle.
Pour y parvenir, l’association accompagne les emprunteuses – 99% sont des femmes – et leur propose deux types de formation. Un volet économique pour leur permettre de pérenniser leur activité (tous les crédits servant à financer une activité génératrice de revenus), un autre consacré à la santé (prévention du paludisme, des maladies sexuellement transmissibles…) et à des thématiques sociales (droit des femmes, notamment).
Former puis financer
« Après la formation vient le financement. Nous évaluons les besoins, regardons si l’activité est viable et, au besoin, la réorientons. Chaque emprunteuse fait partie d’un groupe de 15 à 30 personnes, qui est animé par un de nos salariés. Ce groupe se réunit toutes les deux semaines, pour échanger, faire le point sur les projets et procéder au remboursement d’une partie de leur crédit », résume Mme Tchagbatao.
La formule fonctionne, puisque 95% des bénéficiaires remboursent en temps et en heure. Et au fil des mois, les montants prêtés ont tendance à augmenter, ce qui garantit à terme la rentabilité de la structure.
Deux ans après son lancement, Assilassimé Solidarité, qui emploie 33 personnes, a déjà soutenu 8 000 personnes et compte actuellement 3 700 bénéficiaires. « Les deux tiers des femmes améliorent leur condition de vie, arrivent à mettre un peu d’argent de côté, peuvent scolariser un enfant. Et le regard de l’homme change lorsque la femme revient au foyer avec son livret d’épargne », souligne Mme Tchagbatao.
Fort de ce succès, Assilassimé souhaite maintenant se développer hors de Lomé, notamment dans le nord du pays. « Notre modèle intéresse non seulement d’autres associations qui s’occupent de personnes handicapées ou touchées par le VIH, mais aussi des hommes et des femmes tout simplement trop pauvres pour accéder au microcrédit traditionnel. »
Le nombre de bénéficiaires pourrait passer de 4 000 familles d’ici à la fin de l’année à 20 000 d’ici trois ans. Parallèlement, Mme Tchagbatao va lancer des crédits pour permettre aux familles d’acheter des lampes solaires et des foyers de cuisson améliorés, afin qu’elles réduisent leurs dépenses en énergie, un poste important de leur budget.
Mais pour mener à bien ces projets et répondre à la demande, l’association va devoir augmenter le fonds de crédit, cette réserve qui permet de réaliser des microcrédits. Si elle peut compter sur le fonds Microfinance solidaire, créé par Entrepreneurs du monde, ou sur Kiva, elle va aussi devoir trouver d’autres financeurs.