La microfinance sociale en milieu rural
A l’échelle mondiale, on dénombre 2.1 milliards de personnes pauvres, dont 767 millions vivant dans la pauvreté la plus absolue. Quasiment les ¾ d’entre eux vivent en zone rurale et dépendent de l’agriculture de subsistance. 95% des ruraux les plus pauvres vivent en Asie de l’Est, en Asie du Sud-Est et en Afrique subsaharienne (source : Banque Mondiale 2016).
L’agriculture est perçue comme un secteur d’activité très risqué avec une forte proportion de pertes des productions liées aux maladies et à l’augmentation des sinistres climatiques (sécheresse, inondations, etc.). Les opérateurs de microfinance ont donc une forte réticence à financer ce type d’activité et les ménages ruraux sont exclus de la microfinance traditionnelle.
Pour réfléchir aux façons de les appuyer, Entrepreneurs du Monde a rassemblé en 2018 ses équipes au Togo puis au Myanmar lors de deux ateliers.
Entrepreneurs du Monde et la microfinance en zone rurale
Dans les pays où agit Entrepreneurs du Monde, plus de 60% de la population vit en milieu rural. Elle a inscrit dans sa planification stratégique 2016-2021 sa volonté d’accroître la portée de ses programmes de microfinance sociale en zone rurale.
Dans ce cadre, l’ONG a rassemblé en juin au Togo, 32 personnes, de 14 organisations issues de 8 pays et en septembre au Myanmar 33 participants de 12 organisations, venant de 6 pays. Dix organismes extérieurs – opérateurs financiers et structures spécialisées dans l’accompagnement des agriculteurs – étaient aussi présents : AVSF, EGAE, ESF, ESFT, Fondation Grameen Crédit Agricole, FUCEC Togo, Greenovator, GRET, Planet Guarantee, U-CMECS.
Ces ateliers ont été organisés pour améliorer les enjeux liés à l’agriculture, pour partager les pratiques et expériences et enfin pour co-construire des solutions innovantes d’accompagnement et de financement. Il était essentiel d’intégrer dans les réflexions les questions de modèle économique, de gestion des risques, le pilotage d’indicateurs spécifiques et l’optimisation des moyens mis en œuvre (allègement des méthodologies d’intervention, utilisation de technologies tel que le mobile banking, etc.).
Une flexibilité dans les modalités
Les participants se sont notamment penchés sur la saisonnalité des activités agricoles et des revenus associés. Cette dernière exige une grande flexibilité dans les modalités de décaissement et de remboursement des prêts. Les programmes d’Entrepreneurs du Monde proposent d’ores et déjà des microcrédits aux modalités très souples : des périodes de différé de remboursement pour les activités de maraîchage par exemple ou des crédits « in fine » qui permettent aux bénéficiaires de rembourser l’intégralité du capital en fin de période grâce aux revenus des récoltes.
A la suite de ce partage d’expérience, les participants ont été invités à réfléchir à d’autres types de financement qui pouvaient être développés pour aller encore plus loin dans la réponse aux besoins des petits producteurs : le crédit stockage, le crédit équipement ou crédit-bail pour le financement de gros investissements, le crédit en nature ou encore le crédit à multiples décaissements.
Intégrer les enjeux environnementaux
La question des enjeux environnementaux a aussi été une thématique importante des ateliers. L’agriculture est le 2ème secteur, après le secteur énergétique, produisant le plus d’émissions de gaz à effet de serre (Energie 35%, Agriculture 24%, Industrie 21% et Transport 14%) Source FAO 2016. Elle est responsable de 70% des prélèvements en eau douce. Or cette ressource se rarifie et il est donc essentiel d’intégrer l’enjeu de la préservation de l’eau dans l’agriculture de demain.
Entrepreneurs du Monde souhaite être moteur sur ce sujet. Elle prépare actuellement une offre complète de formations agricoles pour ses programmes d’Afrique de l’ouest. En plus de renforcer les capacités des bénéficiaires dans la gestion de leur activité génératrice de revenus (amélioration des rendements, réduction des risques de perte, etc.), Entrepreneurs du Monde souhaite aussi les accompagner dans la mise en œuvre de bonnes pratiques respectueuses de l’environnement : association de culture, agroforesterie, production de compost, etc. Ces formations seront dispensées lors des réunions auxquelles les bénéficiaires participent tous les mois.
Ces ateliers ont été une réussite. Les participants ont exprimé leur grande satisfaction, notamment sur le contenu, les techniques d’animation participatives, l’atmosphère, les visites terrains et les opportunités de forger de nouveaux liens avec d’autres praticiens. De nombreuses actions ont d’ores et déjà été intégrées dans les planifications opérationnelles de nos programmes en 2019.
Témoignage de Clémentine, bénéficiaire de Yikri, programme de microfinance sociale d’Entrepreneurs du Monde au Burkina Faso
et de Noel, créateur de SCPI, programme de microfinance sociale d’Entrepreneurs du Monde aux Philippines.